
Voici le second épisode de notre podcast : Femmes marquant l’Histoire.
En cette actualité fructueuse du mois de mars, les médias ne tarissent pas d’articles sur la cause du droit des femmes.
Au placard, le concours de la meilleure manière de repriser les chaussettes, les réductions spécial tupperware, les unes de journaux où il est écrit en grosses lettres : “ Que faire si sa femme est drôle ?”
Tout ça, c’était il y a bien … ah non ça ne fait pas si longtemps en fait.
Cela dit, l’actualité de ce mois de mars 2024 prend vraiment une autre ampleur puis qu’on parle à cœur ouvert de l’adoption de l’Interruption Volontaire de Grossesse dans la Constitution, soit une des plus grosses victoires de la lutte pour le droit civique des femmes et l’attestation gravée dans le marbre du
droit maintenant constitutionnel des femmes à disposer de leurs corps. On ajoute à cela une journée du 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes et des minorités de genre, qui permet de faire le point sur toutes les avancées et les batailles qui restent à mener pour que plus de la
moitié du genre humain bénéficie de valeurs comme l’égalité, la justice et l’adelphité.
Mais comment parler de cette puissante avancée dans la lutte pour nos droits sans rendre hommage à certaines femmes qui nous ont préparé le terrain, qui ont œuvré toutes leur vie dans une société où le dialogue devait être posé de force et ce, pour que les générations futures puissent continuer ce combat en quête d’une vie meilleure pour chacun, chacune.
J’aimerai commencer par parler de Gisèle Halimi, née et nourrie au sein d’une Tunisie colonisée, où avoir une fille au XXe siècle était considéré comme une disgrâce. Gisèle grandit et décide assez tôt du tournant que prendra sa vie. Elle refuse un mariage forcé à quinze ans, subit un avortement à dix-neuf ans et commence sa lutte en étudiant le droit à Paris. Elle se prononce rapidement sur sa motivation à devenir avocate. C’est avant tout pour elle un moyen d’expression, le pouvoir de lutter contre la violence sous toutes ses formes, de provoquer un changement sur une situation qu’elle trouve injuste mais aussi pour asseoir le droit des femmes grâce à son éloquence et des plaidoiries aiguisées.
Gisèle mène dès lors un triple combat puisqu’elle est une personne racisée de par ses origines, une femme en plus de cela, pour couronner le tout, c’est une femme qui lutte pour ses droits !
Son retour en Tunisie avec l’entrée de Gisèle au barreau de Tunis et dans les tribunaux militaires marquent un tournant important dans sa carrière car sa lutte devient politique. Elle fait son entrée dans le collectif des avocats du Front de Libération National algérien et défend entre autres Djamila Boupacha, une jeune femme algérienne accusée sans preuve d’avoir posé une bombe à Alger en 1959.
Puis séquestrée, torturée et violée par plusieurs membres de l’armée française, notamment des parachutistes.
Simone de Beauvoir écrira d’ailleurs un article basé sur le témoignage de Djamila dans le monde en juin 1960, et cet article marquera au fer rouge les bonnes consciences colonialistes de l’opinion publique.
En parlant justement de Simone De Beauvoir, Gisèle Halimi et elle-même ainsi que Christiane de Rochefort et Jean Rostand fondent ensemble en 1971 le mouvement de lutte : ”Choisir la cause des femmes”, originellement une organisation bataillant pour la légalisation de l’avortement devenue peu à peu une ONG spécialisée dans le droit des femmes.
La création de ce mouvement a lieu quelques mois après la parution du “manifeste des 343”, une pétition parue le 5 avril 1971 recensant 343 noms de femmes ayant eu recours à l’IVG et éclairant ouvertement sur les conséquences et les dangers de l’avortement clandestin.
Grâce à plusieurs procès très médiatisés, notamment le procès Bobigny de 1972 dans lequel Gisèle plaide la dépénalisation de l’avortement et le procès emblématique de 1978 à Aix en Provence où le viol est considéré pour la première fois comme un crime passible des assises, Gisèle gagne en notoriété et endosse peu à peu le rôle d’une des plus importantes figures de proue du féminisme français.
En somme, merci Gisèle – qui ne vit ni pour les caméras, les appareils photos et encore moins le regard des autres -, qui s’est éteinte en 2020 auraitaujourd’hui 97 ans.
C’est grâce à l’endurance mentale de cette femme, sa constance et sa radicalité ainsi que son travail acharné en collaboration avec d’autres figures emblématiques de la lutte pour l’égalité des droits que la légalisation à l’avortement a pu être gagnée.