Femmes marquant l’Histoire – Épisode 3 – Ching Shih

Voici le troisième épisode de notre podcast : Femmes marquant l’Histoire.

Aujourd’hui, on continue dans la lignée des badass, ces sacrées personnages féminins qui par leur détermination et leur force mentale ont réussi à cracker les codes du patriarcat.

L’indice du sujet aujourd’hui se trouve dans le mot “cracker”… Parlons peu, parlons bien… parlons piraterie !

Mmh oui aujourd’hui, l’heureuse élue s’appelle Shi Yang et c’est une célèbre pirate du XIXe siècle que certains historiens proclament même comme la pirate ayant eu le plus de succès au monde.

Avant de plonger dans le récit tumultueux de son histoire, j’aimerais quand même souligner que le cas de Shi Yang n’est pas un cas rare ! Parmi les femmes de marins déchues en quête de vengeance, les travesties en homme amoureuses de la mer ou les filles de marchands en quête d’aventure, j’ai été surprise de la longue liste de femmes pirates qui ont eu une incidence sur l’Histoire.

Des femmes qui ont montré que non seulement elles pouvaient tenir les responsabilités de commandement d’une flotte avec force et brio, mais aussi révolutionner une micro-société entièrement masculine et ce, en instaurant une déontologie particulière et un nouveau code d’honneur égalitaire et respecté.

Bref, le choix fut cornélien mais il se porta finalement sur l’histoire intense de Zheng Yi Sao alias Ching Shih, la reine des pirates.

Née Shi Yang en 1775 à Xinhui (CHINRUEI) sous la dynastie Qing, celle que j’ai envie d’appeler la femme inommable -vous allez vite comprendre pourquoi- grandit dans une famille modeste dont nous avons peu d’information et se prostitue tôt pour pouvoir survivre dans cette société où les femmes n’avaient hélas pas beaucoup d’opportunités de vie. Mais Shi yang gagne en notoriété et rencontre ainsi en 1801 Zheng Yi, un pirate dont la famille semaitla terreur en mer de Chine depuis des siècles.

Les circonstances de leur rencontre et les raisons de leur union sont inconnues, toujours est-il que les deux se marient dans l’année. Shi Yang devient alors Zheng Yi Sao, soit “la femme de Zheng Yi” et se fait aussi appeler Mme Cheng. Ce qui est connu en revanche, c’est les conditions du contrat de mariage, à savoir la répartition à part égale des finances dans le couple et un ticket d’entrée pour le monde la piraterie pour Zheng Yi Sao.

En février 1802, le cousin de Zheng Yi appelé “Cheng Shi”, commandant d’une grosse flotte est arrêté par les forces impériales et mis à mort.

Dans ce contexte brumeux de mutinerie et de lutte de pouvoir, le couple prend la tête d’une des plus grosses flottes de pirate sillonnant les côtes chinoises à l’époque: Zheng Yi faisant figure d’autorité au gouvernail alors que Zheng Yi sao s’intronise organisatrice et reste à terre où elle donne naissance à leur premier enfant en 1803.

Le couple crée une confédération de pirate en juillet 1805 pour polariser leur force de frappe, peaufiner leur stratégie d’attaque et le contrôle du butin. Celle-ci comprend avec 6 flottes, chacune portant un drapeau de couleur différente pour pouvoir se reconnaitre et éviter les attaques impromptues. Zheng Yi commande la flotte au drapeau rouge soit la plus grosse flotte de la confédération.

Alors que son mari est en mer, en 1807, Zheng Yi Sao donne naissance à leur deuxième enfant. Cette même année, Zheng Yi meurt dans des circonstances troubles : jeté par-dessus bord lors d’une tempête ou tué par un ennemi, nous ne le saurons pas.

Zheng Yi Sao, rejetant la tradition chinoise qui obligeait les veuves à se retirer de la société jusqu’à leur remariage, demande au neveu de Zheng Yi, appelé Cheng Po Yang et au fils adoptif et amant de Zheng Yi, Zhang Bao, de l’aide pour récupérer le commandement à la place de son défunt mari et prend par la même occasion, Zhang Bao pour amant, conseiller et partenaire de commandement de la flotte rouge.
Zheng Yi Sao se fait maintenant appeler “Ching Shih” soit littéralement traduit “la veuve de Zheng”.

Discrète, très compétente et redoutablement stratégique, Ching shih s’impose auprès du monde de la piraterie comme une ennemie de taille qui rivalise d’intelligence et d’autorité.

L’alliance de la stratégie militaire et la force de caractère de Ching Shih avec les compétences de navigation et la légitimité de commandement de Zhang Bao provoque un véritable ras de marée de conquêtes décimant en l’espace de quelques mois plus de la moitié des flottes pirates la province de Guandang, ouvrant ainsi les portes de la mer du sud de la chine à la flotte rouge.

Relativement rapidement, Ching Shih établit un code de discipline qui lui permet de maintenir un contrôle sur ses hommes et ses gains : interdiction pour les marins de descendre à terre sans autorisation, pour limiter les trahisons, sous peine d’être sévèrement puni.

Interdiction formelle de voler le butin ou violer les prisonnières, à part si envie irrépressible de mourir dans d’atroces souffrances. Ça, ça n’est pas par solidarité féminine mais par mesure économique car qui dit marchandise abîmée, dit aussi rançon moins importante. Pour les autres femmes, celles de basses extractions donc qui ne peuvent être rançonnées, elles sont soit épousées, soit prostituées sous
réserve d’une somme versée à l’intendant… hum tout cela est une organisation bien huilée.

Ching Shi maintient à présent un contrôle absolu sur non seulement la flotte rouge qui s’est agrandie au fil des conquêtes mais également -à grand renfort de pots de vin et de terreur- sur les troupes gouvernementales chargées de réguler la piraterie en mer de chine. Ses relations et les partenariats mis en place alors qu’elle gérait les affaires de Zheng Si depuis la terre lui assure un appui important et des
renseignements utiles pour les raids de ses hommes. Autrement dit, il n’y a plus tellement d’obstacles majeurs sur la route de son ascension… et grâce à de bonnes alliances et à sa stratégie militaire sans faille, et au prix de milliers de morts, Ching Shih se hisse à la place du capitaine de la flotte blanche, asseyant son contrôle sur l’ensemble de la mer de Chine.

A cause de sa montée en puissance et de son contrôle croissant sur les échanges commerciaux avec le monde externe, Ching Shih fait peur aux hauts dignitaires du gouvernement chinois qui tente de l’écarter par la force du chemin. Ils s’allient même aux forces colonialistes portugaises pour changer la done. Mais les essais échouent et la violence ne donnant rien, l’empereur de chine lui-même s’en mêle et offre la
rédemption aux capitaines de la confédération. Après la reddition de plusieurs personnes notamment le capitaine de la flotte noire, Ching Shih envisage de négocier avec l’empereur les conditions de sa retraite anticipée ainsi que l’avenir de ses hommes. Ching Shih alias Zheng Yi Sao et Zhang Bao renoncent alors à la vie de pirates, laissant derrière eux 17 318 hommes et femmes sous leurs commandements et 226 bateaux dont 24 de ces bateaux et 1 433 pirates sont sous les ordres personnel de Ching Shih.

C’est ainsi qu’elle quitte la mer…

1813, elle donne naissance à un autre enfant et se marie officiellement avec Zhang Bao, ce qui, au vu des moeurs sociales de l’époque et de l’ancien métier du couple, relève du miracle. Zhang Bao, qui a changé de bord et navigue maintenant parmi les troupes gouvernementales meurt en 1822 à l’âge de 36 ans. Zheng Yi Sao revint à Canton et continue la contrebande sur la terre ferme en prenant la direction d’une
maison close et d’un centre de jeu jusqu’à la fin de sa vie en 1844.

Et voilà l’incroyable destin de cette businesswoman dont la ténacité et le gout du risque ont bouleversé tous les codes sociétaux de la Chine pendant près d’un demi siècle.

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